...Or les jiagwen sont de presque deux mille ans postérieurs à
l'écriture cunéiforme des Sumériens. Celle-ci -ou bien des hiéroglyphes d'Egypte- aurait pu, il est vrai, traverser l'Asie centrale par laquelle tant de techniques ont circulé.Cependant, la
remarquable correspondance de l'écriture chinoise ancienne et de la langue chinoise, rejette fortement l'idée d'une telle influence.Il faut considérer l'originalité de cette écriture, souvent
perçue à tort comme idéographique ou pictographique. L'idéogramme est un signe exprimant une idée tandis que le pictogramme exprime une image.Or l'écriture chinoise ne ressort ni de l'un ni
de l'autre de ces systèmes. Il suffit pour s'en assurer de mettre une personne ignorant le chinois en présence de ces caractères. Sans apprentissage, celle-ci ne pourra en identifier aucun.
Une autre tentation est forte: celle de vouloir analyser dans un caractère la juxtaposition de ses éléments en fonction d'une étymologie supposée. Par exemple le caratère"xiu" se (reposer)
regroupe le caracère "ren" (homme) et le caractère "mu" (arbre). Un homme sous un arbre peut évoquer le repos et c'est là un excellent moyen de mémoriser ce caractère. Cependant une personne
ignorant cette signification aurait pu, tout aussi bien, en déduire qu'il était question de pluie, d'ombre, de canicule ou bien de cueillette. D'ailleurs, dans le chinois d'aujourd'hui, le
caractère "ma", cheval, se retrouve au sein de près de soixante-dix autres caractères plus élaborés qui n'ont pu necessairement de relation avec le cheval. "Cest pourquoi il faut se garder
d'introduire une rationalité qui n'a pas sa place dans les écritures" tient à préciser Viviane Alleton qui explique que le terme d'idéogramme, "cette chimère", trouve son origine dans une vision
idéalisée, élaborée par les penseurs du xviième siècle. Son emploi est impropre mais il est demeuré dans le langage courant et certains spécialistes lui préfèrent le terme de "sinogrammes".
Cependant, la solution neutre et intelligible de tous consiste à ne parler que de "caractères chinois".
Pourtant l'usage de ces caractères ne s'est pas toujours limité à la seule chine. En effet , dès les premiers siècles de notre ère, il a gagné le Vietnam, la Corée et le Japon. Si aujourd'hui le
Vietnam utilise un alphabet de type latin, la Corée perpétue les caractères chinois tout en leur préférant son propre système alphabétique. Quant au Japon, il est parvenu à fondre ceux-ci dans
une combinaison complexe mettant un jeu trois modes d'écritures différentes
Il n'en demeure pas moins que dans nos imaginaires, le mystère de beaux signes éxotiques, aux lignes noires se courbant avec élégance à la surface d'un papier de riz, est indissociable de l'image
de l'Empire du milieu. D'ailleurs dans celle-ci l'écriture "correcte" était l'un des impératifs requis pour les candidats aux examens mandarinaux. Ces épreuves, qui ont eu cours pendant treize
siècles jusqu'en 1905, avaient pour but de selectionner, dans la population, les hommes appelés à constituer la bureaucratie d'Etat. En effet il fallait que les lois et decrets administratifs
soient parfaitment compris aux quatre coins de l'empire, doté d'un territoire immense et d'une mosaique d'ethnies et de parlers...
à
suivre...