Plusieurs jours passèrent pendant lesquels je ne vis pas Nassim.Il ne m'appelait pas et comme le telephone était toujours mon pire ennemi,je ne fis rien non plus.Il n'y avait que le vide.Paris redevenait froid et pluvieux.J'avais les membres crispés et le coeur en déroute.L'attitude de Nassim me tourmentait.Sa voix se perdait.Seuls ses gestes et sa presence me restaient en mémoire
Alger me lancinait .Je rêvais d'y retourner , mais sans parvenir à concretiser mon envie.Je me trouvais tout bonnement dans l'incapacité de bouger.Ma vue était redevenue normale ou presque.Il me restait une légère deformation , une sensation de capter les objets differemment , une hésitation qui me rappelait celle qu'avait mon père.Je passais le plus clair de mon temps à lire avec des lunettes ou à dormir ....La nuit je rêvais , éveillée ou non.Leurs reflets se mêliaent.C'est vrai qu'ils se ressemblaient...Parfois , j'allais dans la salle de bain me réchauffer les mains toujours glacées sous l'eau chaude et poursuivre un autre reflet dans le miroir...Je me voyais , je la voyais,elle.Elle ne me parlait plus.Elle était aupres de moi, sur les mêmes rives...
c'est au cours de l'une de ces nuits que j'ai ressorti le manuscrit de Fès et que je l'ai envoyé à Abderrahmane , notre ami d'Alger pour qu'il le traduise.J'attends le retour, mais sans impatience.S'il y a bien quelque chose que cette dernière "croisière"m'a apportée, c'est la suspension du temps.Il m'est égal aujourd'hui que les choses se fassent vite ou non.Là où je m'étais connue impatiente , je me retrouve indolente.Là où j'étais indifferente aux ambiances,elles me prennent à bras le corps sans que je puisse m'y refuser.Et celle qui me parait la plus delicieuse est celle de "Nada"
Et puis , ce matin , il y avait un courriel dans ma boîte.Depuis quelques temps , ils étaient peu nombreux parce que je n'en envoyais plus guère...Il était d'Abderrahmane
"Traduction"
Il ne marche pas fermement sur la Route,
L'homme qui n'a pas cueilli le fruit de la Verité.
S'il a pu le ravir à l'arbre de la Science,
Il sait que les jours écoulés et les jours à venir ne different en rien
du premier jour , décevant , de la Creation"
Les paragraphes suivants correspond à ceci
"La nuit entoure ton jardin.
Tu es assis sous ton arbre préféré.Tu te désoles d'être là , solitaire , méconnu,
Alors que tu pourrais accomplir de grandes choses,
Ou , simplement , rendre heureuse une femme.
Regarde ces fleurs de jasmin qui étoilent le feuillage de ton arbre,
Et accepte la leçon qu'elles te donnent"
Le premier paragraphe est un extrait des "Robaiyat" d'Omar Khayyâm.J'ai préféré te donner diretement la traduction qu'en a faite Frantz Toussaint du persan en 1940.Elle est bien meilleure que la mienne.Le second provient du "jardin des roses" de Saâdi, traduction du même auteur
Mais le dernier poême , en double page ,n'a rien avoir avec les precedents.Il est d'une qualité ...differente.Je ne peux l'attribuer à personne de connu.Je ne l'ai jamais lu auparavant.La langue est plus...hésitante,mais tu vas aimer!J'en suis sûr!
Et pareil à une branche alourdie de fleurs fanées,
Se penchait sur l'eau
Mon corps par les larmes épuisé.
La fontaine s'emplissait,
Enfluée par l'orage
Et les fleurs trop tôt assassinées.
Le palais murmurait de l'écho d'un amour inavoué
Seul,sur le rebord, se penchait pour se mirer
Un narcisse parfumé
Bien à toi , Abderrahmane
Ps-Et salue Nassim de ma part!Nous avons beaucoup correspondu par courriel l'hiver dernier...Mais je n'ai pas de ses nouvelles depuis quelques semaines.