Tamachraft :boucle d'oreille
L'endroit était impressionnant.Autour du marabout blanc , s'étendait un vaste camp blanc planté de "Khaima" .Les tentes étaient attribuées à chacun en fonction de son rang dans la confrerie.On retrouvait la distribution classique entre les quartiers résidentiels , les zones de commerce et celles de recueillement.Alentour , il n'y avait aucune habitation.
Abderrahmane était arrivé la veille .Il semblait en effet tres intime avec Moulay el'arbi.L'ambiance était chaleureuse , exaltée même,mais rigoureusement structurée.Sous cette apparence solidarité , je sentais vibrer les destins solitaires , les ambitions assoiffées de gloire, la volonté de vaincre , d'être reconnu , de devenir.Je fus tres impressionné.
-Quelles sont vos imprssions?me dit-il de suite , le regard rivé sur le mien.
-J'ai apprécié.C'est une expérience édifiante.
-Lui rendre compte dans le détail de tous nos entretiens me semble suffisant , et vous avez toute ma confiance
Puis , il eut un long silence.
-Et elle.?Comment va -t -elle?
ETERNEL RETOUR? Nada
Ici s'arrêtait le cahier de feuilles photocopiées déposé à la reception de l'hôtel.Il était semblable à celui de la veille que j'avais lu à Dar el 'Amia"Je te passe ce texte.J'en ai récupéré une copie,je ne sais pas trop comment ! Elle était au Palais.Je travaille dessus pour ma thèse.Il y en a quelques autres à ta disposition.A bientôt Mina"
J'appelai Nassim.Par chance,le réseau était disponible.
-...Je te tappelle parce que l'on a récupéré un tresor.!Mina ,fait une thèse et m'a donné de la documentation.Et devine?Le journal de Gabriel?La suite de ce que j'ai lu l'autre nuit
-Et tes yeux au fait?
-ça va nettement mieux.
En raccrochant , j'avais vraiment envie de rentrer.J'avais envie de discuter de vive voix avec Nassim.Il me manquait.Condamnée à ces allers - retours , il était temps de partir , mais non sans avoir revu Mina.Je reservais mon billet pour le surlendemain , avant de descendre dîner
TROISIEME MESSAGE Nada
De retour à la maison , je me jetais sur mon ordinateur.J'imprimais les textes traduits par Nassim.Le courriel commençait par le traditionnel message de l'expediteur
"Je déduis de votre patient silence une tout aussi patiente lecture qu'il encourage à poursuivre mes envois.Fès...la Maison Bleue , il est temps d'en parler...D'autant plus que vous connaissez les liens...
GABRIEL@
...Prudence ou imprudence...Sagesse ou folie...Le Dey m'avait investi d'une délicate mission.Il voulait savoir quel rôle avait joué l'Inconnu dans la maladie de Khedaouedj...Il me paraissait évident que la révélation de la vérité la ramènerait vers la lumière et l'espoir.Pour être totalement honnête , il me faut ajouter autre chose :je déniais à Abderrahmane toute noblesse de sentiment et j'étais jaloux de l'influence qu'il avait pu avoir sur elle.Comment avait-il pu la subjuguer à ce point?
Si j'avais la preuve d'une quelconque inclination d'Abderrahmane pour Khedaouedj , je ne serais pas rentré là-bas.Parce que j'aurais eu le sentiment de tout perdre.Jaurais perdu mon sang -froid s'il m'avait révélé la moindre inclinaison pour elle...Sans preuve , je n'ai pas bronché..Mais s'il s'en était presenté une seule ,j'aurais été capable de tout .Pour en finir
Mais ,les questions vinrent me torturer.Comment avait-il su pour elle ?Et pourquoi cet intérêt poli?Simple courtoisie à l'égard du Dey?La formulation elle-même , "Vous lui direz aussi , à titre personnel.J'ai su pour sa fille.Dieu en a voulu ainsi.C'est une sainte",ne dissimulait -elle pas une vénération , une admiration amoureuse?
J'étais malheureux.Je tentais de me rappeler son expression , les traits ,lorsqu'il avait pronnoncé ces mots.Je redoutais d'y lire une folie passion pour Khedaouedj
Sur le chemin du retour , alors que les difficultés du voyage troublaient mon repos,je trouvais quelques instants de répit , agités de rêves insensés.L'un deux se déroulait dans la chambre de Khedaouedj, à l'étage;il se tenait à ses pieds et lui déclamait un poème.Les mots me revenaient, calligraphiés dans mon cauchemar, entrelacs d'une envre dorée qui se confondaient avec le décor de la pièce et de fines armatures dorées de son lit.Les strophes s'incrustaient dans mes yeux , les brûlaient .Ces vers, je ne les connaissais que trop bien: c'étaient ceux que j'avais improvisés le jour où nous avions lu, elle et moi des poèmes d'Omar Khayyâm.Ces vers étaient miens!Et il se les appropriait!J'étais persuadé qu'à mon réveil , j'aurais à mon tour perdu la vue,les yeux percés par l'éblouissement vision du poème...Et Khedaouedj restait là,immobile , hypnotisée par les calligraphies.Dans mon rêve , l'Inconnu était silencieux.Il voyait les mots et elle les voyait à travers ses yeux.Aveuglée...par l'amour?Ou ensorcelée par le froid regard de Si Abderrahman?
Khedaouedj s'était fait prendre dans la lumière comme un papillon de nuit.Brûlée dans son âme,elle s'était ensuite éteinte,comme une bougie lorsque la mèche finit de se consumer.Il aurait ainsi capturé non seulement son regard mais ses yeux pour en voiler toute lumière.Ce cauchemar,fruit de mon imagination et des fatigues du voyage,garda au reveil la force évidente de la vérité.
Je ne pouvais achever .Hassan Pacha me fixa , l'air étonné.Mon empressement trop vif était visible.Il avait le sentiment d'en avoir trop dit
-C'est -à -dire Gabriel...Le dernier soir,nous avons parlé,comme je te l'avais dit.Il avait vu le petit portrait de Khedaouedj dans mon bureau.Ensuite , il me demande quelles étaient mes intentions pour l'avenir de ma fille.C'était direct,sans long preambule,sans hésitation.Dans un premier temps , je suis resté évasif.Khedaouedj me semblait encore si jeune...Il affirma qu'il était grand temps de songer à lui trouver un époux.Je l'interrogeais à mon tour.Il me dit que selon la tradition ,il avait été marié cinq ans auparavant à l'une de ses cousines,qui attendait leur troisième enfant.Il espérait un heritier mâle qui lui avait été refusé jusqu'à present.Alors...j'ai menti.Je lui dis que ma fille était promise à un haut dignitaire ottoman.Il se raidit.Il est parti le lendemain.Mais, Gabriel , je te l'assure,Khedaouedj n'a jamais rien su de tout cela.!Tu es le premier à qui je m'en ouvre ce soir.Ces souvenirs me pèsent tellement et depuis si longtemps...J'y ai mille fois réfléchi,elle n'a rien pu savoir.Elle ne l'a pas même vu.Ils ne sont même pas croisés...Alors pourquoi?Pourquoi a -t-elle sombré dans le desespoir?Pourquoi a-t-elle perdu le goût de vivre?Cette maladie inexplicable...Enfin , j'aurais aimé savoir,comprendre peut-être...
J'étais donc destiné à retourner au royaume chérifien pour y decouvrir le mystère .Pourtant , presque deux ans devaient s'ecouler avant que je ne puisse partir.