Tabzit (broche) Benni-Tenni :Grande Kabylie
(Traduction du dernier cahier reçu par Nassim)
Je voyais réapparaître le sarmat dont Khedaouedj m'avait caché l'existence pendant toutes ces années et j'étais un peu vexé.Pourquoi ne m'en avait-elle rien dit?Quel rôle avais-je bien pu jouer à ces côtés...N'avais-je dons rien été pour elle?Bien sûr je ne lui avais rien dit de precis mais comment n'avait-elle pas deviné?C'est d'elle que j'attendais un signe,qui jamais ne venait parce qu'elle restait obstinément murée dans l'isolement .Aveuglée à tout jamais par le desir de l'impossible.
Elle se sentait rejetee,depuis toujours et rien n'aurait pu l'en dissuader.C'était pour ainsi dire "vital",ce qui lui permettait d'être.Il n'y avait rien à faire à mon sens.Parfois je pensais que c'était une façon commode de se refuser aux autres...Mais elle ne l'aurait jamais admis et préférait vivre dans l'illusion de l'inverse.Elle me dit un jour qu'elle ne se supportait pas et que le bien qu'elle ait perdu la faculté de se voir,c'était encore insupportable...Je n'aimais pas qu'elle parle ainsi mais je ne pouvais rien empêcher.Telle fut notre vie.Que vous en dire d'autre?Une vie banale et sans importance,ce que nous recherchions
Il y avait un souterrain au fond de la salle de prière.Il débouchait pres du port.Aujourd'hui,il doit être comblé.Mais en ce temps,il existait.Qui l'avait percé?Peut-être Yahia Rais,que l'on disait le premier propriétaire du palais ,le seul à détenir tous les secrets...Une bouche noire s'ouvrait dans les entrailles de la Casbah pour rejoindre la mer.Il fallait du courage pour l'emprunter.Ou bien ne pas voir cette béance humide,aux allures de sépulture qui menait à l'au-delà...au-delà du palais,de la ville,au-delà de nous.
Je prends l'entière responsabilité de ce qui advint alors.Elle s'est remit à moi.Une façon de me dire enfin,"fais de moi ce que bon te semble,selon ton bon plaisir...".Ce sont les seuls mots qu'elle pronnonça en vérité."Fais selon ton bon plaisir..."J'eus l'impression qu'enfin elle s'abandonnait,qu'elle succombait aussi.Alors je lui pris la main,apres l'avoir recouverte d'une couverture de laine plus chaude.Je craignais qu'elle prit froid...Elle connaissait l'entrée du tunnel,en dégagea l'entrée sans hésitation alors que je tâtonnais dans le noir.Je ne sais combien de temps,nous avons rampé.C'était inhumain,je ne sais pas pourquoi,mais quitter ainsi le Palais...J'avais mal.Partout je la suivais.Elle avait une énergie incroyable alors que je la croyais si faible.Et puis,il y eut la lumière,un éclatement,un jaillissement,je ne sais comment dire.J'étais depuis si longtemps dans l'obscurité que je ne vis rien.J'étais aveuglée.Je n'entendis que sa voix:
-Gabriel,nous y sommes;la baie,la mer,les îles ,Al-djazair...Je les vois!
Elle tenait toujours ma main.Derriere nous,l'écho se propageait dans le tunnel et répétait
...les vois!"