André Derain
Artiste complexe et protéiforme, dont les continuelles ruptures de style déconcertent, André Denain ( 1880 1954 ) prend part à la célèbre " cage aux fauves " du Salon d'Automne de 1905
S'écartant des milieux avant-gardistes, Derain se lance dans la reconquête réfléchie de la figuration par un vocabulaire formel et iconographique de plus en plus classique et le retour à quelque chose de tangible : le nu, le paysage,la nature morte
En 1916, a lieu sa première exposition individuelle à la galerie de Paul Guillaume qui devient son marchand exclusif. Derain est ainsi l'artiste le plus largement représenté dans la collection Walter- Guillaume, avec vingt-huit tableaux correspondant à la période durant laquelle il développe un classicisme moderne souvent qualifié de " retour à l'ordre "
Amateur d'art nègre autour de décors de théâtre et de ballets, fort célèbre de son vivant, Denain était en 1920 qualifié par le peintre et critique André Lhote de " plus grand peintre français vivant "
Cette toile présent un aspect énigmatique, inhabituel dans une nature morte de fleurs, du à son fond noir. En effets seules des fleurs de couleurs vives ou claires et du feuillage surgissent de ce fond sombre, le vase étant lui-même quasiment invisible.Derain disait lui-même " il y a de mystère dans un noir que dans un triangle ou une figure organisée "
La composition est cependant très réfléchie : il s'agit d'une croix dont le centre est un cercle formé par le bouquet. Denain a su animer la toile de manière extraordinaire suivant un procédé qui lui était cher : de petites touches très claires posées sur les pétales de fleurs, qui donnent une intensité extraordinaire à l'ensemble. Quelques points blancs, reflets de lumière, font deviner le vase. Enfin en bas à droite, on devine une coupe en verre remplie d'eau sur laquelle est posée une fleur. Ce motif rappelle les natures mortes hollandaises du xviième siècle . L'écrivain André Breton ( 1896 - 1966 ) rapporte que : Derain parle avec émotion de ce point blanc dont certains peintres du xviième siècle flamands, hollandais, rehaussaient un vase, un fruit ( ... ) L'objet que je peins, l'être qui est devant moi ne vit que lorsque je fais apparaître sur lui ce point blanc. Il s'agit bien ici de l'un des toiles les plus les plus originales et les plus personnelles d'André Derain
Avec cette figure de fantaisie, Derain poursuit son dialogue avec les maîtres du passé. Ici le peintre se confronte à Manet et à la peinture espagnole. Manet a peint diverses figures de musiciens : La joueuse de guitare, Le chanteur espagnol. Mais on pense surtout au Fifre, l’un des tableaux les plus célèbres de Manet. Le musicien se détache sur un fond uni ocre simplement animé par l’orientation des coups de brosse et une légère ombre en bas à droite. Derain surenchérit sur ses modèles quant à la liberté de facture et à la violence des contrastes. La lumière sur la chemise est évoquée par de larges empâtements de blancs. Les ombres par des traits nerveux de noir. Le même contraste inversé se retrouve sur le manche de la mandoline. De petites touches de blanc plus délicates sur certaines zones du visage : les yeux, le nez, les lèvres viennent donner vie au portrait. Le Noir à la mandoline apparait comme une véritable symphonie en brun, ocre et blanc.