La renaissance des arts anciens
Mohammed Racim fit revivre en Algérie l'art très ancien de la miniature en l'enrichissant d'un souffle nouveau. Il aurait suivi la voie artisanale de son père et de son oncle, qui tenaient dans la Casbah un atelier renommé d'enluminure et de sculpture sur bois, s'il n'avait l'opportunité d'étudier la miniature persane dans son premier emploi, puis celle d'être remarqué par Dinet qui lui confia l'ornementation de sa "Vie de Mahomet", ce qui lui valut par la suite d'être appelé à enluminer le texte des "Mille et une nuits" du docteur Mardrus, illusté de compositions de Léon Carré. Il put également découvrir l'art musulman de l'âge d'or en Andalousie. A patir d'une synthèse de ces traditions orientales, enrichie par la science du volume et du clair-obscur des maîtres européens, Racim atteignit son but, celui de créer pour l'Algérie, selon ses propres paroles, "un procédé de l'enluminure inspiré de l'Orient et cependant donnant l'impression de la vie intense".Il se consacra à representer la "Vie musulmane d'hier - titre d'un recueil de ses peintures - , avec tous les aspects de son histoire et de ses distractions, créant ainsi un répertoire traditionnel pour l'art algérien.
Le travail de Racim fut perpétué par un enseignement régulier donné dans le cadre de l'Ecole Natinnale des Beaux - Arts d'Alger. Parmi ses élèves Mohmmed Temmam, le plus repésentatif des peintres traditionnels des années trente, et Mohammed Ranem, conservèrent son esprit et son style, pour illustrer les "faits et les gestes quotidiens, les couleurs chatoyantes de la vie locale". Le premier se rapprochant d'un certain naturalisme, et le second s'orientant davantage vers une éxécution proche de la miniature des maîtres anciens. Ali Ali-Khodja son neveu, continua tout d'abord la tradition avec Oma Racim, professerur d'enluminure, puis représenta des scènes champètres et des scènes d'intérieures algérois avant de se diriger vers l'abstraction. Bachir Yellès se recommanda dans ses débuts de l'école de Racim, mais il s'évada vers une peinture de chevalet influencée par les tendances européennes, gardant toutefois le jeu de l'arabesque et le sens du coloris proprement orientaux
Edmond Tiffon, né près d'Alger, fut un élève de Mohammed Racim et travailla étroitement avec le frère de celui-ci, Omar, en se spécialisant surtout dans le dessin, la lettre et l'épigraphie. L'enluminure et la miniature dont il possédait tous les secrets lui servirent en particulier à illustrer les textes saints des grandes religions.
Ketty Carré et Yvonne Kleiss- Herzig se rapprochèrent du style des miniatures pour produire des scènes orientales évoquant un monde idéalisé dans des décors enchanteurs
Jacqueline de Vialar, descendante d'une des grandes familles liées à l'histoire de l'Algrie, donna de son côté un nouvel éclat à la céramique d'art. Elle transposa les thèmes et les décors de la miniature persane sur de somptueux panneaux de céramique émaillée, et s'inspira également des gouaches populaires et des gravures anciennes pour reproduire les images de l'Alger barbaresque.
Une nouvelle voie fut ouverte à l'art décoratif algérien avec l'oeuvre de Baya, dont le talent éclata dès son plus jeune âge. Les gands noms dans les millieux artistiques et intellectuels admirèrent cette orpheline qui retrouva seule les secrets décoratifs des Crétois et des Egptiens, les couleurs simples, l'arabesque des formes, les femmes dont on ne voit qu'un oeil de profil. " Baya qui tient et ranime le rameau d'or " disait Breton. " Baya nous restitue par une miraculeuse éclosion la féerie d'une Arabie heureuse", écrivait à son tour Jean Sénc. Baya, prise en charge à ses débuts par des artistes algérois comme Maisonseul et Peyrissac, vite exposée chez Famin à la galerie du Minaret puis chez Moeght à Paris, remarquée par Picaso, recherchée à l'étranger , continua à partager son art en menant la vie traditionnelle d'une femme musulmane. Elle fit des émules chez les algériennes et il semble bien que, dans sa génération, une Souhila Belbahar ait précédé de la même veine décorative.
La renaissance des arts anciens